mardi 24 février 2009

Classification “Objet/Tissu”


Conformément à notre intention de révéler cette diversité, nous nous sommes plongés dans l’étude de l’objet, le pavillon: la rigidité du système suggère différents types d’approches, l’objet peut être décomposé en trois façades qui obéissent chacune à leur règle, qui donne lieu à trois études.

La façade principale, est la seule qui doit être vue, elle est la seule composée, ordonnée. Sorte de hangar décoré, elle manipule les signes avec ostentation, sa constitution extérieure est indifférente à ce qui passe dans l’objet. Cette expression du multiple dans l’unité est saisissante, il était pour nous essentiel de pouvoir rendre compte de cette diversité à travers notre production.
Avec cette étude menée depuis l’espace public sur la maison individuelle, symbole culturel des états unis, nous cherchons à décortiquer cette façade afin de rentrer dans son épaisseur, de décomposer et de hiérarchiser des éléments qui la constituent pour mieux comprendre l’image qu’elle nous renvoie.

Par une démarche similaire au scientifique G.Cuvier, qui introduit le principe de subordination, nous mettons en place un classement méthodique par arborescence, qui, dans un premier temps nous permettra de mettre en évidence un style, et dans un second, sera surtout l’occasion de la remise en question de ce dernier.

L’analogie formelle et fonctionnelle de cette série d’édifices nous permet de définir un type de pavillon.
Une arborescence est mise en place en échos au travaux de Darwin et de sa théorie sur l’évolution des espèces : César Daly, fondateur de la Revue générale de l’architecture et des travaux publics pense que le mot “Style” est analogue au mot “espèce” car, comme l’espèce, le style se définit par sa faculté d’engendrer son semblable 1.

1. SABOYA, Marc, Presse et Architecture au XIXe siècle : César Daly et la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, Paris, Picard, 1991, P 196





Dans ce processus de comparaison et de superposition des formes déterminant le type, sont éliminés les caractères spécifiques de chaque édifice pour ne conserver que les éléments présents dans chacune des unités de la série. Le type apparaît alors comme un schéma issu du processus de réduction à une forme de base commune d’un ensemble de variantes formelles. Le type, résultat de ce processus de réduction suppose la possibilité de variantes formelles illimitées, qui peuvent aller jusqu’à entraîner la modification structurelle du type lui même 2.

Notre volonté était de mener cette étude sur un plan comparatif et évolutionniste. Le diagramme ne se borne pas à présenter un catalogue d’éléments classés ni à définir un type à proprement parlé, mais d’introduire les composants d’un style caractéristique de cette architecture de lotissement

Au désir identitaire, la production pavillonnaire propose la dérive stylistique du code Néo qui se définirait par la collection finale de micro déformations locales en droit séparables les unes des autres, ou du moins dont les rapports sont rendus difficilement pensables3. Dans le cas du style néo, la problématique ne se situerait plus dans le décompte des écarts de style, mais dans la valeur stylistique de ces différents traits qui bien qu’au départ définis pour perdurer, sont bientôt trahis, puis abandonnés dans leur répétition. Ces traits de valeur stylistique sont caractérisés par leur généralité, c’est à dire par leur fréquence au sein d’une aire et par leur valeur distinctive, de différenciation. Deux types de signifié peuvent leur être associés, un signe d’usage (dénotation), ou un signe de connotation, qui renvoie aux valeurs idéologiques et culturels.

Ce qui est nouveau avec le néo, c’est que l’écriture même d’un style, sa production, procède de cet espace, le trait stylistique comme trait distinctif. Le néo intériorise la fonction sous un paravent qui ne lui ressemble plus.

2. ARGAN, Giulio Carlo, “ambiguité du type”, in projet et destin : Art, Architecture, Urbanisme, Paris, La Passion, 1993,
3. OSTROWETSKY, Sylvia, et BORDREUIL, J.S, Le Néo-style régional: reproduction d’une architecture pavillonnaire, Paris: Dunod, 1980,






La façade latérale n’existe pas, si elle peut se charger d’apporter un peu de lumière dans l’objet, c’est qu’elle a rempli sa fonction. Il s’agit de la façade la moins architecturée, elle répond aux exigences de ce qui se passe à l’intérieur de l’objet exclusivement, elle est le pendant antinomique de la façade principale: les châssis de fenêtres sont tous de formats différents, sans préoccupation des alignements. Pour l’architecte, c’est probablement la façade la plus scandaleuse. Cependant, sa version en bout d’îlot transforme son statut, hésitant à assumer son rôle de façade latérale, et cherchant à se doter des apparats de la façade principale. Nous avons donc eu l’impudeur de consacrer cette rue qui révèle ses façades hybrides, de la redessiner méticuleusement, outrageusement, procurant un immense plaisir à ce doux détournement. Ce travail nous permet de faire le lien entre façade principale et façade arrière, qui font l’objet d’études séparées. Il renforce cette ignorance entretenue par les façades d’un même objet, et légitime notre étude segmentée.



La façade arrière est liée à la façade principale dans son gabarit (proportion de la façade, type de toiture) et par sa fonction (accès à l’extérieur, ouvertures sans vis à vis), elle apparaît au premier regard être sa version concise. Cette fois l’objectif de notre étude était de mettre en place un système de mesure de l’écart qui sépare la façade avant de la façade arrière. Il apparaît très vite que l’on peut construire une façade arrière avec l’arbre généalogique élaboré pour la façade principale, mais les caractéristiques des éléments par catégorie sont très différentes, et certaines sont vides. Nous avons alors identifié les éléments constitutifs de la façade arrière comme l’exemple qui suit:
La maison fait sa mijaurée, elle réclame quel que soit son occupant des traitements de faveur: l’indispensable espace tampon entre le dedans et le dehors, dont l’expression côté front et back est différente. En retrait sur la façade principale, elle exprime le fait que cette façade est une extension de l’espace public, nous parle de l’hospitalité bienveillante de ses habitants, qui considèrent cette façade comme le reflet d’eux mêmes. Cet espace intermédiaire du côté du jardin intérieur est plus une extrusion, qu’on peut considérer comme une extension du privé habité vers un espace extérieur également privé.

Nous avons voulu complexifier ce rangement binaire (cet élément est typique du front, cet autre caractéristique du back), en raisonnant en terme de gradient de similitude avec la façade front. Il en résulte un produit relatif, ou la distinction entre façade front et back est plus ou moins évidente, et si une façade front ne peut être prise pour une façade arrière, l’inverse est en revanche possible.



«On ne peut parler de projet sans parler des techniques nécessaires à sa réalisation ainsi que de son aptitude à exprimer et à décrire les choix formels et leur succession logique ; on ne peut parler du projet sans parler de l’analyse (puisque celle-ci permet de connaître la matière même du projet). On ne peut parler de l’analyse sans parler de ses techniques.

Je ne m’attarderai pas ici sur ces techniques ; pourtant il est nécssaire de dire au moins le sens particulier que, parmis elles, prend la classification. Il faut rappeler le sens de la classification en architecture sur un plan purement théorétique ; celui-ci apparaît dans les deux éléments les plus importants émanant d’une étude des classifications : 1) existence d’une correspondance entre structure logique de l’architecture et structure de la classification elle même, 2) sens de la méthode conçue en fait comme processus de définition de l’architecture.

Ces deux observations sont essentielles pour énoncer correctement le rapport entre l’analyse architecturale et la projetation. Elles postulent en effet que l’analyse (conçue comme construction par genre et par classes) s’identifie au projet, soit dans le processus du faire (processus de la composition), soit dans la reconnaissance même d’une structure logique de l’architecture incarnée par une succession, précisément logique, des choix du projet.»


GRASSI, Giorgo, L’ Architecture comme métier et autres écrits, Liège : Mardaga , 1983 , p 52




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